Les DIOXINES
Projet tutoré 2001


Olivier Jacob - IUT STRASBOURG-SUD Département Chimie




I. Introduction générale.


1) PCDD et PCDF.


Les dioxines désignent deux grandes catégories de composés aromatiques tricycliques chlorés : les polychlorodibenzo-para-dioxines (PCDD) et les polychlorodibenzofuranes (PCDF) représentés ci-dessous :



2)Nomenclature et structure des dioxines et furanes.


Sur les cycles benzéniques représentés ci-dessus, chaque numéro correspond soit à un atome de chlore, soit à un atome d'hydrogène. Le nombre maximum d'atomes de chlore est égal à 8. Le nombre d'atomes de chlore est indiqué dans le nom du composé par un préfixe mono (1), di (2)? jusqu'à octa (8).

Il existe un grand nombre de combinaisons différentes liées au nombre et à la position des atomes de chlore : de ce fait, le terme dioxine englobe 210 congénères. La 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine, 2,3,7,8-TCDD en abrégé (dioxine de Seveso), la plus connue car la plus toxique, a pour formule :



II. Propriétés physico-chimiques des dioxines et furanes.


Les dioxines et furanes sont des molécules stables chimiquement et thermiquement. Elles ne sont détruites qu'à très haute température. Elles sont également très lipophiles (solubles dans les graisses) et peu biodégradables. Ces propriétés expliquent la tendance à s'accumuler le long des chaînes alimentaires et donc au final chez l'homme. On parlera alors de bioaccumulation.




III.Toxicité.


Parmi les 210 congénères regroupés sous l'appellation de dioxines, les toxicologues estiment que 17 congénères sont toxiques : il s'agit de molécules substituées en positions 2,3,7 et 8. La toxicité des congénères diminue lorsque le nombre d'atomes de chlore augmente.

Les 17 congénères toxiques ne possèdent pas la même toxicité. Pour traduire cette différence de toxicité, il a été défini un facteur d'équivalence toxique ( I-TEF) qui permet de pondérer chaque toxique d'un facteur comparé au facteur 1 attribué à la dioxine la plus toxique : la 2,3,7,8 TCDD (Composé de classe I, « cancérigène certain », selon l'International Agency for Research on Cancer, 1996.)

Le système de coefficients de pondération ( I-TEF : International Toxic Equivalency Factor) développé par le NATO Committee on Challenges to Modern Society, présenté dans le tableau suivant est reconnu internationalement :



Positions substituées

Nom du congénère

Facteur d'équivalence toxique (I-TEF)

2,3,7,8

TCDD

1

1,2,3,7,8,

PeCDD

0.5

1,2,3,4,7,8

HxCDD

0.1

1,2,3,7,8,9

HxCDD

0.1

1,2,3,6,7,8

HxCDD

0.1

1,2,3,4,6,7,8

HpCDD

0.01


OCDD

0.001

2,3,7,8

TCDF

0.1

2,3,4,7,8

PeCDF

0.5

1,2,3,7,8

PeCDF

0.05

1,2,3,4,7,8

HxCDF

0.1

1,2,3,7,8,9

HxCDF

0.1

1,2,3,6,7,8

HxCDF

0.1

2,3,4,6,7,8

HxCDF

0.1

1,2,3,4,6,7,8

HpCDF

0.01

1,2,3,4,7,8,9

HpCDF

0.01


OCDF

0.001


1)I-TEQ : Toxicité globale d'un échantillon.


La mesure de toxicité d'un échantillon passe obligatoirement par la mesure quantitative des 17congénères toxiques, auxquels sont appliqués les facteurs d'équivalence toxique, ce qui permet d'obtenir pour un échantillon sa teneur en Equivalent Toxique ou I-TEQ.



La toxicité d'un milieu ou la contamination globale est exprimée en quantité d'I-TEQ.

La limite de dosage est calculée pour chaque dioxine et furane. La limite de dosage dépend uniquement de la matrice et ne dépend pas des rendements de récupération des marqueurs d'extraction. Plus la matrice est complexe, plus la limite de dosage sera élevée. Les limites de dosage réalistes se situent entre quelques pg/l (liquide aqueux) et quelques pg/g pour les matrices solides les plus complexes. Si la teneur d'un congénère i se trouve en dessous de la limite de dosage, il faut donner deux teneurs en I-TEQ pour l'échantillon :


L'I-TEQ avec la teneur des congénères, inférieurs à la limite de dosage, considérée comme étant égale à zéro, correspondant à l'I-TEQ (limite de dosage non incluse) ; l'I-TEQ (LD non incluse) ne prend donc en considération que les congénères supérieurs à la limite de dosage.


L'I-TEQ avec la teneur des congénères, inférieurs à la limite de dosage, considérée comme étant égale à la limite de dosage, correspondant à l'I-TEQ (limite de dosage incluse) ;



2)Unités utilisées dans l'analyse des dioxines.


-Produits agroalimentaires avec matières grasses :


Pg I-TEQ/g de matières grasses


-Produits agroalimentaires avec très peu de matières grasses :


Pg I-TEQ/g de matières sèches


-Matrices liquides (eau, lixiviat?.) :


Pg I-TEQ /L


-Matrices solides environnementales (sols, sédiments, mâchefers, déchets) :


Ng I-TEQ/g de matières sèches


-Gaz d'émission :


Ng I-TEQ/m3



IV. Principe de l'analyse des dioxines.


Les dioxines et furanes sont, de par leurs propriétés, des Polluants Organiques Persistants (POP) que l'on retrouve dans tout milieu et partout dans le monde : ces molécules sont dites ubiquistes. De ce fait la nature des échantillons à analyser est très diverse : rejets atmosphériques, cendres volantes, air, eau, déchets, sols, roches, mais aussi : sang, tissus adipeux et aliments. (Viandes, poissons, produits laitiers, aliments pour bébés, fruits et légumes, végétaux, aliments pour animaux?)


L'identification et la quantification sont effectués par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse haute résolution (HRGC/HRMS) en mode de scrutation d'ions présélectionnés (SIM). Cette méthode est à la fois très sélective et très sensible.


V. Dioxines et contamination humaine.


Les dioxines émises par les rejets atmosphériques industriels et certains processus de combustion sont adsorbées à la surface de particules de très petite taille formées pendant la combustion. Les dioxines, pouvant être transportées sur de longues distances, se retrouvent dans les sols et dans l'eau. L'herbage est contaminé et contamine ainsi la vache lorsqu'elle broute. Les dioxines s'accumulent dans les graisses de l'animal, c'est-à-dire dans la viande, le lait? Puis, l'homme qui consomme ces produits est exposé. Les animaux de consommation humaine peuvent également être contaminés via une alimentation industrielle.



La voie orale par l'alimentation représente 95% de l'exposition humaine. Les dioxines et furanes sont des composés très stables et lipophiles, d'où leur bioaccumulation dans la chaîne alimentaire.

L'intoxication peut se faire par voie respiratoire du fait de l'inhalation de poussières contaminées.

Enfin, une contamination par voie cutanée via la manipulation de sols contaminés est possible (accident de Seveso).

La toxicité des dioxines se traduit par des effets cutanés, des atteintes hépatiques, une altération de la fonction immunitaire et des affections de la fonction de reproduction. Des études de l'USEPA estiment l'exposition journalière à 119 pg/jour pour une personne de 70 Kg avec la répartition suivante :


VI. Réglementations et doses admissibles.


En France, le Conseil d'Hygiène publique de France (CSHPF) a recommandé des valeurs guides pour le lait et les produits laitiers :


1)Lait et produits laitiers.


5 pg I-TEQ/g de matières grasses : produit retiré du marché


3 pg I-TEQ/g de matières grasses : valeur d'intervention. (recherche des sources.)


Valeur inférieure à 1 pg I-TEQ/g de matières grasses : valeur à atteindre pour les produits laitiers et les produits de grande consommation.



2)Autres matrices agroalimentaires.


Des valeurs guides sont à l'étude : (plan de surveillance et évaluation de la consommation des français.)

Inférieur à 1 pg I-TEQ/g de matières grasses : valeur à atteindre pour les produits de grande consommation.

Les experts du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France (CSHPF) et de la Commission Interministérielle et Interprofessionnelle de l'Alimentation Animale (CIIAA) proposent les valeurs guides suivantes pendant une période de crise :


5 pg I-TEQ/g de matières grasses pour les viandes et produits dérivés.

20 pg I-TEQ/g de matières grasses pour les ?ufs, ovoproduits, abats et poissons.



3)Dose journalière admissible (DJA).


La dose journalière est la dose maximale qu'un homme devrait absorber par jour et par kg de poids corporel via son alimentation.

En France, la DJA recommandée par le CSHPF en mars 1998 est de 1 pg TEQ/kg/jour. Cette exposition journalière exclut a priori tout risque pour la santé publique.