Université Paris X - NANTERRE

Maîtrise : Histoire de l'administration publique

(1er semestre de l'année 2000-2001) - 3e partie, titre III, chapitre 5


Chapitre 5

L'unification de la police nationale

 

 

 

¶ I - L'étatisation de polices municipales

 

Par définition, la police, qui désigne la ville, a une origine urbaine. Sous l'Ancien Régime, face à des polices seigneuriales qui n'avaient plus qu'une existence nominale et qui, de toute façon ne concernaient pas (sauf exception) les villes, il n'existait que la gendarmerie du roi et les autorités de police municipale.
On comprend donc que Louis XIV, dans sa politique globale de centralisation, ait eu le désir de les contrôler. Il inaugura ainsi une politique qui eut deux pôles : l'établissement de commissaires de police et l'étatisation des policiers municipaux.

  • Les commissaires de police
    • Ils existaient à Paris, depuis le XIVe siècle, installés par la juridiction locale du Châtelet (réservée aux affaires de Paris). La qualité de leur recrutement était garantie, depuis le XIVe siècle, par un examen des capacités et une enquête sur les moeurs.
    • En province Louis XIV tenta d'imposer, en 1699, des commissaires de polices destinés à diriger les polices municipales. En fait la réforme ne s'appliqua, et encore modestement, qu'à Rouen et à Orléans.
    • Lors de la Révolution (décrets de 1790 et 1791) des commissaires de polices furent établis sur tout le territoire. Les principes furent fixés par une loi du Consulat (1800) : un commissaire de police pour toute ville de plus de 5 000 habitants (à l'époque, les villes de la taille d'une préfecture). Hiérarchiquement soumis aux maires (mais nommés et affectés par le gouvernement, duquel dépendait aussi leur carrière), ils étaient chargés d'exécuter les lois et règlements étatiques, mais aussi les règlements de police promulgués par le maire.
      Les agents municipaux n'étaient pas comme eux des fonctionnaires d'Etat.

       

  • Les Policiers subalternes

     

    • Pour les commissaires de police, la logique était d'avoir sous leurs ordres des fonctionnaires d'Etat comme eux. Entre le milieu du XIXe siècle et la fin de la IIIe république, une étatisation des polices municipales affecta un certain nombre de grandes villes ou de communes appartenant à la conurbation parisienne. Rythme des étatisations des polices municipales : Lyon en 1851, Marseille en 1908, Toulon en 1918, Nice en 1920, Strasbourg, Mulhouse et Metz en 1925, 161 communes de Seine et Oise et 19 communes de Seine et Marne en 1935.
    • Le régime de Vichy établissait, en 1941, que toutes les villes de plus de 10 000 habitants verraient leur police étatisée. On ne reprit pas officiellement la législation de Vichy mais toutes les villes de plus de 10 000 habitants virent leur police étatisée par des textes particuliers.

     

¶ II - La rivalité de la Préfecture de police et de la Sûreté

 

La dernière grande ville française dont la police fut étatisée est ... la ville de Paris. Encore fallut-il attendre 1966.

 

  • Il faut d'abord distinguer l'origine des deux institutions, avant d'aborder leur rivalité.
    • Le préfet de police succède en 1800 (après l'interruption révolutionnaire) au lieutenant général de police créé au XVIIe siècle par Louis XIV. La Préfecture de police est, depuis le Consulat, chargée de la police dans le département de la Seine. Sa supériorité technique par rapport aux polices autres que la gendarmerie explique qu'elle ait été pendant très longtemps considérée comme bien supérieure à la Sûreté.
    • La Sûreté générale apparaît en 1820 au sein du ministère de l'Intérieur, c'est en fait ce qui reste du ministère de la Police, créé sous le Directoire et supprimé au début de la Restauration.

       

  • La rivalité et la création de la Police nationale.

     

    • La Sûreté eut longtemps la réputation de police politique d'espionnage intérieur, réputation dont l'origine était le fait qu'il venait du ministère de la Police qui avec Fouché s'était essentiellement consacré à cette tâche sous l'Empire.
    • A l'inverse, la Préfecture de Police se présente depuis le temps du lieutenant général d'Ancien régime, comme une police efficace, composée de policiers soigneusement sélectionnés et formés. C'est ce qui explique historiquement cette situation surprenante : la Préfecture de Police, autorité déconcentrée, ayant autorité sur la Sûreté, direction ministérielle, sous le Second Empire (de 1859 à 1870) et au début de la Troisième République (de 1874 à 1876). En 1913 la nomination de Célestin Hennion (directeur de la Sûreté depuis 1907) à la tête de la Préfecture de Police fut considérée comme une promotion. De nos jours encore, un policier parisien nommé en province à un grade supérieur est considéré comme ayant été sanctionné.
    • Pourtant la Sûreté s'améliore et se renforce lentement. Au début, elle n'avait sous ses ordres que les commissaires de police de province. Puis son autorité s'étendit aux polices étatisées des grandes villes de province. Par ailleurs des services spécialisés dépendirent d'elles : la police des chemins de fers (destinée à devenir les Renseignements généraux) depuis la Monarchie de Juillet et, au début de ce siècle, le contre-espionnage enlevé à l'armée à la suite de l'affaire Dreyfus. Mais ces services spécialisés étaient tous d'informations, ce qui ne changeait pas sa réputation de police politique. Ce fut l'apparition, en 1907, des brigades de Police mobile qui contribua essentiellement à améliorer son image. Mais son renforcement contribua aussi à redonner vigueur à la guerre des polices (Sûreté, Préfecture de Police, et aussi gendarmerie. L'affaire Stavisky révéla cependant qu'il existait encore une grande différence entre les moyens de la Préfecture de Police et ceux de la Sûreté. Elle fut donc renforcée et prit le nom de Sûreté nationale (au lieu de Sûreté générale).
    • Sous Vichy, la loi du 23 avril 1941, crée la Police Nationale, mais sans préciser si cette administration comprend la Préfecture de Police (silence compréhensible : Paris est en zone occupée).
    • En 1944, réapparaît la Sûreté Nationale. Il faudra attendre la loi du 10 juillet 1966 (à la suite des dysfonctionnements policiers révélés en 1965 par l'affaire Ben Barka) pour que soit créée l'actuelle Police Nationale, laquelle comprend expressément la Préfecture de Police. Ce serait cependant faire preuve de naïveté que de croire qu'une réforme administrative de ce genre ait réellement mis un terme aux rivalités policières dont l'actualité donne toujours des illustrations.

 


Plan du cours