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que les manuels de morale destinés alors à l'enseignement catholique
prévoyaient trois exceptions à Tu ne tueras paset aucune aux Péchés
contre la vertu de pureté, oubliant même de traiter du mariage à cette
occasion18. Ainsi s'explique encore cette référence à l'oeuf, qui désigne
une inviolabilité plus rigoureuse que la protection de l'être humain. Le
fait de substituer à la protection du foetus l'inviolabilité de l'oeuf
humain donnait toute sa signification à l'allégeance déclarée aux sectes
orphiques : il faisait avouer une adhésion plus ou moins consciente aux
croyances magico-religieuses en la force vitale concentrée dans l'oeuf,
croyances qui participaient de la même logique qui, chez les
Pythagoriciens, établissait la sacralité de la fève19.
Un tel texte n'exige pas de grands efforts pour aller du signifiant au
signifié : ce n'était pas parce que l'embryotomie était un homicide
qu'elle devait être condamnée, c'était parce qu'elle apparaissait comme
l'une des façons de transgresser les interdits relatifs aux origines
divines de la vie. Ainsi, on pouvait sans peine assimiler l'embryotomie
à une sexualité volontairement inféconde, voire à tout ce qui, dans la
société française, s'opposait à une politique nataliste. Louis Portes se
réjouissait d'avoir vu disparaître cette abominable opération. Mais,
disait-il, ne la voit-on pas survivre sous d'autres noms? L'avortement
thérapeutique n'est-il pas l'un "des aspects différents d'un même
meurtre"? Ne voit-on pas le "même mépris de la vie foetale" dans
"toutes les attitudes anticonceptionnelles"? D'ailleurs n'existe-t-il pas
toute une législation "dont le caractère foeticide est prouvé"?
"Cela est évident en ce qui concerne les lois répressives
de l'avortement, de l'infanticide et des pratiques
anticonceptionnelles, - les lois sur la protection de la
maternité et de l'enfance, - les lois qui combattent
l'alcoolisme, la tuberculose et les maladies héréditaires, -
qui toutes sont loin d'avoir acquis leur forme dernière et
leur pleine efficacité.
phénomènes purement naturels (émission, même pathologique ou accidentelle, de sang ou
de sperme). Sur ce point : J.P. BAUD, L'affaire de la main volée. Une histoire juridique
du corps, Paris, Le Seuil, 1993, p. 112-117.
18A. BOULENGER, La Doctrine catholique - La morale, Lyon - Paris, Vitte, 1925, p.
67-76 et 81-87.
19Sur la question, rien moins qu'anecdotique, de la sacralité de la fève chez les
Pythagoriciens : M. GRMEK, Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale,Paris,
Payot et Rivages, 1994, p. 307-354.
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